Ep. 22 - Transformer les visiteurs en participants avec Charlotte-Amélie Veaux & Frances Vieras Blanc de JeDI
La grammaire de l'immersion pour créer des expériences mémorables
Comment transformer un simple visiteur en participant actif de l'expérience qu'il vit ?
Quand l'immersion devient-elle vraiment immersive ?
Dans cet épisode de Visiteur 360, Charlotte-Amélie Veaux, présidente de JeDI, et Frances Vieras Blanc, vice-présidente, nous dévoilent la grammaire de l'immersion.
JeDI fédère la filière des expériences immersives en France en faisant dialoguer théâtre immersif, art numérique et loisir.
De Teamlab à Burning Man, nos invitées partagent leurs inspirations et révèlent les cinq leviers de l'immersion : narratif, spatial, participatif, multisensoriel et transformation.
Elles nous éclairent sur l'art du design d'expérience, l'établissement des règles du "cercle magique", et l'importance de faire confiance aux participants pour co-créer l'extraordinaire.
Dans un monde saturé de sollicitations digitales, l'immersif répond à un besoin profond : vivre l'instant présent intensément, reconnecter avec le réel, et partager des émotions authentiques.
Parce qu'au final, la plus belle technologie reste celle qui sait s'effacer pour laisser place à la magie de l'instant vécu.
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Rendez-vous les 13 et 14 avril 2026 au Louvre Lens Vallée pour deux jours d'inspiration, d'ateliers pratiques et de rencontres dédiés à toute la filière immersive. Réservez vos places.
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À propos de nos invitées :
Charlotte-Amélie Veaux : Après un tour du monde des expériences immersives en 2019 où elle teste plus d'une centaine d'expériences dans quinze pays, Charlotte-Amélie co-fonde Onyo en 2020, un studio d'art immersif dédié au bien-être et à la reconnexion. En 2022, elle crée JeDI, l'association qui fédère la filière immersive française. Profil LinkedIn de Charlotte-Amélie
Frances Vieras Blanc : Directrice de création et fondatrice d'Eat the Cake Studio, Frances cumule plus de 30 ans d'expérience dans le divertissement et la conception d'expériences. Co-fondatrice de JeDI et des Journées de l'Immersif, elle transforme l'ordinaire en extraordinaire avec impact, émotion et créativité. Profil LinkedIn de Frances
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🙋🏽♀️ Un grand merci à Clément Duparc de Tribus Echoes Production pour la création unique de notre identité musicale : https://tribusechoesproduction.com/
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Transcript
Transformer le visiteur spectateur en visiteur acteur
Frances On veut vivre quelque chose. Des émotions, des expériences, des activités qui nous sortent du cadre ordinaire et qui rendent notre vie un peu plus extraordinaire.
Pauline On a tous déjà ressenti cette sensation, ce moment où l'on entre dans un lieu et où quelque chose se passe. Pas seulement parce qu'il est beau, surprenant ou spectaculaire, mais parce qu'il nous fait vivre quelque chose, une émotion, un dépaysement, une connexion. Et c'est exactement ce dont on va parler aujourd'hui. Comment on passe d'un visiteur qui regarde à un visiteur qui vit.
Mirabelle Alors dans cet épisode de Visiteur 360, nous avons le plaisir aujourd'hui de recevoir Charlotte-Amélie Vaux et Frances Vieras Blanc, respectivement présidente et vice-présidente de JeDI, la force fédératrice de la filière expérience immersive. Alors leur mission, c'est de faire dialoguer trois univers qui jusqu'ici se parlaient assez peu. Donc le théâtre immersif, l'art numérique et le loisir. Et elles ont d'ailleurs pas mal de choses à nous raconter. Bonjour.
Frances Bonjour. Ravi d'être là.
Les expériences fondatrices : TeamLab Planet et Burning Man
Mirabelle Et alors, on aime toujours démarrer nos épisodes avec une question toujours la même : est-ce que vous pourriez nous raconter chacune un lieu que vous avez visité ou une expérience que vous avez expérimentée et qui vous a procuré une émotion vraiment forte ?
TeamLab Planet Tokyo : L'immersion sensorielle par excellence
Charlotte-Amélie Ben moi, je vais me jeter à l'eau. Une des expériences qui m'a le plus marquée et qui est un peu une référence dans l'immersif, et je pense qu'elle a inspiré de nombreux créateurs et créatrices, c'est TeamLab Planet à Tokyo. Donc TeamLab c'est un collectif de designers japonais et donc ils ont créé ces expériences qui sont très sensorielles, que probablement vos auditeurs et auditrices ont dû apercevoir à un moment ou un autre dans leur feed Insta, LinkedIn ou ailleurs. Donc, ce sont des très grandes installations dans lesquelles on va pouvoir déambuler. Donc ils en ont deux qui sont très, qui sont phares : TeamLab Borderless qui a voyagé un petit peu partout dans le monde et TeamLab Planète qu'on ne trouve vraiment qu'à Tokyo. Et donc là, c'est une expérience dans laquelle on va pouvoir avoir les pieds dans l'eau, on va avoir des jeux de lumière un peu partout, on va pouvoir toucher les murs, toucher des espèces d'énormes gros ballons qui vont flotter doucement, etc. Et c'est une expérience vraiment qui est très poétique, qui est très douce, qui est très sensorielle, qui nous emmène vraiment, vraiment dans un ailleurs. Il n'y a pas d'histoire à proprement parler qui est racontée, mais il y a un univers qui est assez fort. Et voilà, moi ça a été une des très, très grandes inspirations que j'ai pu découvrir en 2019.
Pauline Trop bien ! Et toi Frances ?
Burning Man : La co-création comme expérience ultime
Frances Pour moi, c'était en 2013 et c'est ma première année à Burning Man aux États-Unis. À ce moment-là, c'était, je crois que c'était à peu près 35 000 personnes. Je crois que là, ils sont arrivés jusqu'à 80 000, un truc comme ça. Donc c'était petit, entre guillemets. Mais ma première fois, c'était très, très magique. Et nous, on travaillait à créer, à construire et moi je faisais beaucoup de peinture sur les mains et c'était magnifique. Là, à la fois participant mais aussi en tant que co-créateur. En fait, c'est un événement co-créé à 100%. C'est une ville qui n'existe que pendant la semaine qu'elle est là. C'est très magique, c'est art, tout est là. Et donc c'est la première fois que j'ai pu voir une façon de vivre autrement. Parce qu'on n'a pas d'argent, on ne dépense rien, on est là, on peut passer de camp en camp, on peut parler avec tout le monde, mais tout le monde a besoin de jouer le jeu pour co-créer cet univers ensemble pendant cette semaine. Et depuis, pour moi, tout est là. Tout. Je base tout par rapport à ma vision de cette première vision de Burning Man, tout ce que j'ai vécu cette première fois.
Pauline Waouh, ça donne envie effectivement.
Frances C'est incroyable. Vraiment.
JeDI : Fédérer la filière de l'expérience immersive
La genèse de JeDI : Créer des ponts entre les univers
Pauline Alors on l'a dit en intro. Vous avez créé JeDI pour faire dialoguer trois univers qui ne se parlaient pas auparavant, en tout cas qui avaient des difficultés à communiquer entre eux : le théâtre immersif, l'art numérique et le loisir. Alors peut-être expliquer qu'est-ce que JeDI et comment justement cette convergence transforme-t-elle concrètement l'expérience émotionnelle des visiteurs ? Et est-ce que vous avez des exemples concrets qui pourraient illustrer la raison d'être de JeDI et de ces trois univers ?
Charlotte-Amélie En fait, c'est assez marrant parce qu'on n'a pas fondé JeDI en se disant on va faire se dialoguer ces trois univers. On a fondé JeDI en se disant il faut qu'on fédère la filière de l'immersif. Et en fait, en creusant, il se trouve que historiquement, la filière, elle est plutôt distinguée comme ça. C'est-à-dire que les acteurs avec qui on va parler vont plutôt se référer à eux-mêmes et se définir comme venant du théâtre, comme venant des arts numériques ou de la XR, ou comme venant du loisir.
Qu'est-ce que la XR (Extended Reality) ?
Pauline Charlotte-Amélie mentionne la XR. La XR, qu'est-ce que c'est ? C'est la Extended Reality, donc la réalité étendue qui regroupe les diverses formes de réalité immersive comme la réalité augmentée AR, la réalité mixte MR ou la réalité virtuelle VR.
Du spectateur au participant : La révolution de l'expérience visiteur
Charlotte-Amélie Mais nous, on ne va pas donner ces données, ces cadres-là. Nous, notre boussole, c'est vraiment comment est-ce qu'on va créer des expériences immersives ? Comment est-ce qu'on crée des expériences qui soient mémorables, qui invitent non pas des spectateurs mais des participants dans leur expérience ? Et en fait, on a voulu faire ça puisque de fait, que l'on vienne du loisir, de la XR ou autre, ces créateurs utilisent les mêmes outils, utilisent les mêmes référentiels, ont la même intention justement de passer du spectateur au participant. Donc typiquement dans le théâtre immersif, ça va être en faisant en sorte que le participant ait la liberté de déambuler partout, potentiellement de parler, potentiellement de devenir lui-même un personnage. Dans les arts numériques, ça va être de pouvoir interagir avec les objets, avec la lumière, de pouvoir aussi déambuler dans les différents espaces. Dans les escapes, on voit assez bien, on manipule tout ce qu'il y a autour de nous, etc. Et de fait, ce sont les mêmes cadrans, les mêmes outils, les mêmes méthodes. Pourtant elles sont assez peu partagées. Et donc nous, c'était vraiment ça. C'est créer ce langage commun, partager les outils, apprendre ensemble. Parce que ce que quelqu'un a testé, a appris dans l'univers du loisir peut intéresser quelqu'un qui vient du théâtre, vice-versa, etc. Donc c'est vraiment mutualiser, apprendre ensemble, tester ensemble et faire en sorte qu'il y ait aussi des opportunités. Parce que si tu es un expert du son ou de la lumière, mais en fait tu peux autant travailler pour quelqu'un qui fait du parc à thème que pour quelqu'un qui fait du théâtre, que pour quelqu'un qui fait une expérience très hybride et qui ne rentre pas dans les cases aussi parce qu'il y a aussi plein de choses qui ne rentrent pas dans les cases et qui sont assez chouettes.
La Journée de l'Immersif : Trouver sa tribu professionnelle
Mirabelle Tu l'as vu ça ? Par exemple des personnes qui travaillaient dans le théâtre immersif et peut-être restaient dans ce secteur. Et le fait d'être JeDI vraiment, se sont dit oui, en fait je peux aller travailler dans le loisir. Finalement, il y a quand même la même mécanique, la même intention.
Frances Oui, tout à fait. Donc ça, on l'a vu surtout après la première journée de l'immersif. Déjà, de voir tout le monde échanger, des gens justement de l'autre bout de la France, des autres secteurs et déjà se parler et se rencontrer et dire « ah mais en fait on fait la même chose ».
Mirabelle En fait, ce que Frances décrit, c'est le moment où les créateurs d'univers immersifs se reconnaissent enfin entre eux. Des gens qui se pensaient isolés découvrent une communauté, une tribu, qui partagent les mêmes outils, les mêmes intuitions et la même envie d'inventer autrement. C'est là que la filière devient vraiment hybride et vivante.
Frances Surtout, ce qui était hyper intéressant, c'est le retour après de « Ben, j'ai trouvé ma famille, j'ai trouvé ma tribu. Je pensais être toute seule, mais non, on est ensemble, on est plusieurs et on peut travailler ensemble pour créer de magnifiques choses qui s'enrichissent l'une l'autre avec toutes nos connaissances ». Et puis maintenant, quatre ans après, on est beaucoup plus hybride.
Charlotte-Amélie Oui, puis je pense qu'il y avait plein de gens qui se sentaient un peu seuls, entre guillemets, à être toujours le mouton à cinq pattes parce qu'ils travaillaient dans la muséographie, mais en fait, il fallait toujours rajouter, faire un petit pas de côté, rajouter du digital, rajouter d'interaction, rajouter des acteurs. Ce n'était pas que des médiateurs, c'était aussi un peu des acteurs. Et nous autres, on rassemble un peu tous ces moutons à cinq pattes qui font toujours ce pas de côté, qui vont toujours avoir un regard très hybride, qui va toujours regarder un peu ailleurs, qui veut toujours pousser les murs, qui veut piocher dans d'autres disciplines. Et en fait, voilà, là il y a tous ces moutons-là.
Frances Le mouton à 4000 pattes.
Charlotte-Amélie Des moutons à 4000 pattes qui se retrouvent ensemble et qui ont aussi, enfin je pense, l'ADN de ce qui va être très commun à toute notre communauté. C'est une dimension créative très forte. Et de se dire en fait, on va toujours aller chercher d'autres formats et on réinvente sans cesse des médiums quoi. En fait, on ne rentre jamais dans les cases. Donc c'est à la fois notre force et notre grande fragilité. On ne rentre pas dans les cases.
Les 5 leviers de l'expérience immersive selon l'Immersive Institute
Une grammaire commune pour l'immersion
Mirabelle Vous aviez mentionné quand on préparait l'épisode l'Immersive Institute, avec qui vous aviez développé justement une grammaire comme un langage commun de l'immersion, et est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur ce langage commun, qui repose donc sur cinq leviers, je crois : le participatif, multisensoriel, narratif, spatial et transformation. Est-ce que vous pourriez peut-être nous expliquer un peu plus ce que c'est que ce langage commun ? Et est-ce qu'il y a un levier par exemple dans ces cinq leviers qui est un peu plus puissant pour faire passer justement le visiteur de spectateur à participant comme tu disais Charlotte-Amélie ? Et si vous avez aussi des petits conseils peut-être à partager avec d'autres professionnels de l'immersif sur comment justement équilibrer tous ces leviers.
Frances Juste pour clarifier. Donc déjà l'Immersive Institute est Gensler, eux ils ont travaillé eux-mêmes, donc on n'était pas, nous on ne faisait pas partie de ce livre blanc qu'ils ont publié en mars, qui est Evolving Immersive, mais ils ont passé beaucoup de temps à faire de la recherche dans le monde entier où eux, après toute leur recherche, ont pu sortir les cinq leviers qu'ils ont trouvés, qui étaient la base de ce qui constitue vraiment l'immersif. Parce que tout le monde se demande mais qu'est-ce que c'est l'immersif ? Et on le sait, de nos jours, ça veut tout et rien dire. Et donc eux, ils ont dit voilà les bases : immersif par tout le monde, c'est ça et puis voilà comment ça évolue. Après, séparément, nous aussi on publie le livre blanc côté JeDI. Après chaque journée de l'immersif, on en a déjà trois et de notre côté, on parle surtout de tout ce qui est la France et les tendances, les pratiques, tout ce qui est relationné comme nous on fait l'immersif ici en France. Mais à la base on a tous ces cinq leviers qui sont, comme tu l'as dit : narratif, spatial, c'est-à-dire il y a un espace soit physique soit virtuel. Il y a une forme de transformation émotionnelle, cognitive ou autre, qui est…
Charlotte-Amélie Participatif.
Frances …et multisensoriel.
Les 5 leviers : Pas une checklist mais une boussole créative
Charlotte-Amélie Pour les auditeurs, quelque chose qui est très important à avoir en tête, c'est qu'il n'y a pas besoin de cocher absolument toutes les cases pour créer une expérience qui va être très immersive. Ce qui est important, c'est vraiment de se dire qu'est-ce que je veux créer ? C'est quoi mon intention ? Qu'est-ce que je veux faire vivre à mes participants ? Et pourquoi est-ce que l'immersif serait le bon médium ? Et ensuite de se dire bon ben sur quelle forme est-ce que je veux m'appuyer, quels piliers, etc. Et pour illustrer aussi, si par exemple on veut raconter une histoire, on veut raconter une histoire autrement. Dans ce cas-là, effectivement, on va principalement être sur du narratif. Si on est sur Le Roi Lion que je veux rendre en expérience immersive, la question fondamentale, c'est de se dire qui mon spectateur va être pour que justement il ne soit pas qu'un spectateur. Est-ce que du coup vous êtes les animaux de la savane et vous êtes invités à venir découvrir les grandes aventures et donc la scène d'ouverture qui est absolument incroyable. Tous les animaux sont invités, voilà, au genre de baptême, pas du tout le terme, mais voilà de Simba, et cetera. Et vous n'êtes pas juste dans votre fauteuil en train de regarder. En fait, vous avez un regard, vous avez une position, vous êtes vu, entre guillemets, par les autres personnages.
Exemple concret : Roméo et Juliette version immersive
Ou de même, si on fait un Roméo et Juliette en version immersive, vous pouvez potentiellement être attribués d'être famille Capulet ou famille Montaigu. Et ce qui vous donne aussi potentiellement même des codes vestimentaires. Peut-être que du coup vous avez le droit de très mal regarder les gens qui sont de la famille adverse. Peut-être il y a des symboles de reconnaissance entre Capulet, entre Montaigu, enfin voilà, entre clans familial, etc. Donc voilà, donc c'est de se dire vraiment narratif. Il y a une histoire, il y a des personnages. Et donc il faut que vos participants aient une place dans cet univers narratif. Et ensuite vous pouvez vous dire comment est-ce que je vais augmenter ça ? Ou comment est-ce que je vais pouvoir utiliser les autres leviers ? Mais ce n'est pas une checklist pour commencer, ce n'est pas ça qui va guider dès le départ la création. C'est avant tout de se dire qu'est-ce que je veux créer ? OK, je me reconnais dans un de ces piliers. Il faut avant tout créer du coup une bonne histoire, avoir attribué des bons points de vue à mes participants. Et ensuite je peux me dire OK, ben est-ce que je peux, par exemple dans la savane, est-ce que je peux rajouter des odeurs de savane ? Est-ce que ça peut apporter quelque chose ou est-ce que c'est gadget ? Est-ce que du coup dans le son je vais apporter d'autres choses ? Est-ce que sur le sol aussi je peux mettre des textures ? Mais il ne faut pas juste se dire ah je vais tout mettre et en fait, ça va juste faire une espèce de fouillis et on ne va rien comprendre. Et voilà, c'est toujours comme pour toute création, il faut avoir une intention à la base qui soit très claire. Et voilà, c'est vraiment une grille de lecture a posteriori.
L'importance d'un vocabulaire commun
Frances Et pour répondre encore à la question par rapport à la grammaire justement, il y avait beaucoup de mots que Charlotte a dit, a mentionné que peut-être les gens ne connaissent pas. Tous ces termes que nous on utilise et tout le monde utilise leurs termes à eux, leurs mots à eux, de les rassembler et comme ça on peut se comprendre mieux. Déjà encore, c'est quoi le loisir ? Le loisir est X plus ou moins. Le théâtre immersif, on va avoir des comédiens. Et comme ça on pouvait commencer à se comprendre, même grandeur nature. Moi quand je suis arrivée, je ne comprenais pas qu'est-ce que c'était. Parce qu'aux États-Unis, on utilise LARP, donc même ça c'est OK. Voilà, les mots, c'est comme ça qu'on l'utilise, ce sont toutes les bases de grammaire et de là on va continuer à construire.
Pauline Pour mieux se comprendre. En fait.
Frances Tout à fait. Et si on a des gens qui viennent de différentes disciplines pour qu'ils puissent échanger et de là pouvoir construire leur concept hybride ou pas. Je vais vous parler d'une petite anecdote de Roméo et Juliette. On était cette année, journée de l'immersif, lors d'un des ateliers d'Elisa Calma, on a parlé de Roméo et Juliette. On était au stade à Lyon et un concept est né. Je ne sais pas si on va pouvoir aller jusqu'au bout, mais c'était un rap battle, hip-hop battle, Roméo et Juliette.
Pauline Moi j'adore !
Frances Montaigu, ensemble, 30 000 personnes. Donc à voir si un jour on le fait.
Pauline Là, si tu conjugues le narratif de Roméo et Juliette dramatique et hyper lover avec du hip-hop battle, on est sur quelque chose d'extraordinaire.
Frances Oui, oui, on le sait. Donc on est en train petit à petit de travailler avec différentes personnes, de différents secteurs de l'immersif.
Pauline Ouais ouais ouais. Trop bien.
Designer l'expérience immersive : Entre liberté et cadre
Le défi de la direction des participants
Mirabelle Par rapport à tout ce que vous avez dit là, justement sur le fait que le visiteur dans l'immersion, il est participant. Quand on parle de Roméo et Juliette Capulet, Montaigu, est-ce qu'il faut diriger un petit peu ces participants justement pour leur donner un rôle à jouer ? Chacun décide librement. Mais après est-ce que ça peut avoir des risques pour l'expérience, on va dire dans sa globalité, Je ne sais pas s'il y a 90% des participants qui veulent être dans une famille et pas l'autre. Enfin comment c'est géré ? Est-ce que vous avez déjà justement, est-ce que ça peut nuire un peu à l'expérience, le fait de les laisser complètement libres ?
Les pop-up rules : Créer de nouvelles règles pour chaque expérience
Charlotte-Amélie C'est vraiment la question. C'est vraiment la question de design de base, c'est qu'est-ce que tu veux, qu'est-ce que tu veux proposer comme expérience, à qui est-ce que tu t'adresses, quels sont les objectifs ? Parce que en fait, si tu balances juste les gens sans information en disant bah c'est les Capulet et les Montaigu maintenant débrouillez-vous, c'est sûr que ça va être très compliqué. Donc quand t'es designer d'expérience immersive, il y a vraiment cet enjeu de se dire comment est-ce que je crée main dans la main ? Comment est-ce que je donne assez d'informations aux participants pour qu'ils comprennent qu'est-ce qu'il a le droit de faire ? Ce n'est pas parce qu'il a une grande liberté qu'il peut faire tout et n'importe quoi. Il y a des nouvelles règles qui sont créées et c'est ça qui fait la magie de l'immersif, c'est que à chaque fois que tu crées une nouvelle expérience, tu crées des règles. Donc les pop-up rules dans un bon anglicisme, des règles qui vont avoir lieu ici et maintenant et qui vont être valables uniquement ici et maintenant. Et donc pour toi, c'est hyper important de se dire quelles sont les règles qui sont là ? Est-ce qu'ils ont le droit de déambuler ? Est-ce qu'ils peuvent déambuler tout le temps ou qu'à certains moments ? Est-ce qu'ils peuvent parler ? Est-ce qu'ils peuvent prendre des photos ? Est-ce qu'ils doivent ranger leur téléphone portable ? Est-ce qu'ils ont un pseudo ? Est-ce qu'ils doivent être déguisés ? Est-ce qu'ils peuvent mettre des paillettes ? Est-ce que je dis n'importe quoi, ils peuvent faire des roulades arrière parce que c'est le thème de ton expérience immersive. Enfin voilà, de vraiment dire ici on n'est pas dans la vie quotidienne et tu as le droit de faire autre chose. Mais il faut être hyper clair sur les règles que tu veux donner et comment est-ce que tu les donnes.
Le design intuitif : Faire comprendre sans expliquer
Et donc un bon design, ça se repère parce que tu n'as pas besoin d'expliciter les règles. Et donc toi, ton job, c'est de réussir à faire en sorte qu'un maximum de règles soient comprises de manière intuitive. Après, bien sûr, il faut quand même toujours les expliciter, en particulier les règles de sécurité émotionnelle et physique pour les participants mais aussi pour ton équipe. Ça c'est super important. Donc typiquement, il y a des règles qu'il faut toujours dire : est-ce que tu as le droit de toucher ou pas ? Est-ce que tu as le droit d'être touché ou pas ? En général c'est non. Mais parfois il y a des expériences où c'est oui mais voilà de se dire comment est-ce que je fais comprendre le plus possible ce que j'ai le droit de faire ou pas faire.
Par exemple, encore une fois, tu es Capulet, Montaigu, peut-être que ton billet ça va être une carte magnifique avec embossement, toute dorée, etc. Vous êtes invités à la fête des Capulet. C'est un bal masqué. Nous vous rappelons que le dress code est tatati tatata. Et donc tu comprends qu'il faut être bien habillé et après on peut te remettre. Tu peux recevoir un autre mail qui te rappelle la veille et qui te dit : Nous vous rappelons qu'il est fortement recommandé de venir déguisé, habillé avec une tenue de soirée ou quoi. Mais en fait, rien que le code global te fait comprendre cette règle qui est de venir. Tu ne viens pas en jeans claquettes Quoi ? On ne va pas te laisser rentrer si t'es en jeans claquettes, à ce bal masqué des Capulet. Donc c'est vraiment pas je balance mon participant et puis il va bien comprendre un peu ce qu'il va faire, parce qu'il n'est pas idiot. C'est vraiment je co-construis avec lui.
L'importance du test utilisateur
Et l'autre règle, je pense, qui est très importante, c'est il faut tester parce que justement, peut-être que toi tu te dis ah c'est évident, si j'envoie cette carte qu'il faut venir bien habillé, ben en fait peut-être que non, les gens ils se disent juste « Ah c'est joli ça. C'est pour avoir un beau souvenir ». En fait, je n'avais pas compris que c'était la vraie règle. Je dis n'importe quoi où une scène se termine et en fait, on veut que tout le monde aille dans le jardin pour assister à la scène du balcon. Et en fait, les gens ne comprennent pas que, à partir de maintenant, il faut bouger et qu'il y a un déplacement à opérer. Et donc en fait, tout le monde reste dans la salle principale et tout le monde va rater la scène clé. Donc voilà, donc il faut vraiment tester pour voir. OK, mais comment est-ce que je peux leur faire comprendre ? Comment est-ce que je peux les emmener dehors ? Est-ce que c'est par du son ? Est-ce que c'est par de la lumière ? Est-ce que du coup tu rajoutes une ligne d'un personnage qui dit « oh regardez, il y a des étoiles filantes, c'est magnifique que tout le monde vienne dans le jardin ». Je dis n'importe quoi mais voilà, comment est-ce que tu peux vraiment accompagner à chaque fois tout ton public, tous tes participants dans l'expérience.
Trouver le juste équilibre entre liberté et cadre
Pauline En fait, il y a un juste équilibre entre la liberté d'agir pour justement que le participant puisse tenir un rôle dans l'histoire et en même temps, effectivement donner le cadre de façon. Encore une fois, comme tu disais, au niveau sécurité émotionnelle et physique, de façon à ce que ça se passe évidemment comme il faut, mais voilà, le plus possible. Mais effectivement, il y a ce juste équilibre-là qui, je pense, dans la question de Mirabelle, était vraiment de savoir comment on fait pour ne pas rendre la chose trop dirigée et laisser aussi justement le statut de co-auteur, co-créateur, co-participant du participant en lui-même pour justement le laisser aussi imaginer la suite de l'histoire. C'est toujours un peu délicat.
Le cercle magique : Créer un cadre invisible mais présent
Frances Et c'est ça qui est hyper intéressant déjà. Oui, il faut toujours créer un cadre encore. On prend un parc de loisirs, un parc d'attractions, Il a le cadre, c'est le parc déjà, on sait ça par le marketing, par tout ce qui est la communication. On comprend quand même, On a des règles, on a des informations qui viennent après, on a vraiment des informations en fonction de quel parc, comment agir par rapport à un cadre sécurité ou autre. Mais justement, on peut tout à fait donner ces règles qui sont le cercle magique. Donc chaque univers, chaque monde, chaque expérience, chaque parc d'attractions, ils ont leurs cercles magiques qui sont plus ou moins travaillés. Et pour faire ça, en fait, tout ce qui est incroyable, c'est que le design devrait être invisible mais très présent. Et c'est ça quand on peut à la fois dire eh bien suivez cette carte, vous allez passer par là et par là, et il y aura peut-être des moments de spontanéité, de surprise qui vous permettent de vous-même faire votre choix. Mais tout est bien, tout est plutôt bien designé pour y arriver, pour que tout le monde passe un moment.
Les trois types de participants : Swimmers, Skimmers et Divers
Parce que globalement, il y a trois types de participants dans tout ce qu'on fait. Après, il y en a de sous-participants. Mais les trois types sont : le swimmers, le skimmer et le divers. Et les gens qui vont à fond, qui vont un petit peu, ou qui veulent juste être là parce que le monde est cool, mais parle pas avec moi. Et quand on est en train de designer, l'idée c'est de penser aux trois et les expériences que chaque type de personnage, de participants, va vivre.
Charlotte-Amélie Quand on crée une expérience immersive, on peut rapidement penser que tout le monde va vouloir vivre des expériences immersives, hyper interactives, etc. Et comme le dit Frances, en fait non, il y a vraiment toujours ces trois types de participants. Il y a ceux qui vont vraiment être à fond, qui vont jouer le jeu à 4000%, enfin je pense. Dans les escapes, on voit même ceux qui veulent démonter ou qui veulent vraiment faire le meilleur score. Et il y a aussi ceux qui ont envie de voir quelque chose de nouveau. Mais en fait, il faut aussi les laisser tranquilles. Ils ne veulent pas être à 4000% et c'est complètement OK. Tout le monde a le droit d'interagir de plein de manières différentes, mais donc ça veut dire que, en tant que designer, il faut penser pour ces trois niveaux d'immersion.
Quand les visiteurs surprennent : Retours d'expérience
Mirabelle Même en ayant bien cadré les trois types de visiteurs, vous avez déjà été surprise par des réactions de visiteurs ?
Frances Oui oui oui ! Déjà l'année dernière, j'avais eu pendant six mois un espace de loisirs indoor, La Fabrique du temps perdu. C'était un chemin labyrinthe dans un univers steampunk. Un family game avec huit énigmes. Et j'avais tout fait pour que déjà le briefing, très cadré, très calé pour leur dire c'est un jeu d'observation et peut-être il y aura certains éléments déplacés mais pas trop. Voir comment les gens interagissent dans un espace qu'ils ne connaissent même pas parce que c'était entre mi-escape mais jeu de quête. Bon briefing de 5 minutes pour faire comprendre. On a eu des familles qui ont ravagé, dévasté. Ils ont tout le temps des cadres cloués qu'ils ont enlevés, qui parfois normalement un reset ça nous prenait 2 minutes max, là 30 minutes et j'avais tous les animateurs là. Ils ne comprenaient pas. Mais je ne comprends pas, ces gens-là, que les valises qui étaient fermées, elles étaient là, d'écoles fermées. Ils ouvraient les valises. On a une personne qui est sortie carrément avec une valise à la main parce que c'était très bon. En fait, les gens pensaient qu'on était plutôt une brocante parce qu'on avait magnifique. La déco était magnifique, merci Emmaüs. Et là, c'était. Cette expérience m'a beaucoup appris sur les êtres humains et les comportements. Et d'être surpris parce qu'on peut vraiment designer au max et il y a toujours des choses auxquelles on n'a pas pensé.
Le biais de l'escape game : Quand un format crée de nouvelles attentes
Charlotte-Amélie Mais je pense que ça, c'est un gros biais. En fait, une des expériences immersives qui a cartonné et sur lesquelles justement les pop-up rules sont toujours un peu les mêmes. Et donc ça crée. C'est devenu un nouveau repère à part entière, c'est les escapes. Et donc les gens se disent maintenant souvent immersif égale escape égale fouille égale, je peux tout ouvrir, etc. Et donc moi maintenant, il y a plein de. C'est assez marrant, il y a plein d'expériences quand je vais les tester, où on nous dit au début « ce n'est pas un escape game. Ne fouillez pas, vous ne trouverez rien dans les décors, il n'y a pas de code, vous n'allez rien trouver derrière les cadres, vous n'allez rien trouver dans les coffres, etc. Il n'y a…
Frances …rien dans la valise.
Charlotte-Amélie Il n'y a rien dans les valises. Parce que voilà. Mais parce que c'est devenu vraiment un nouveau référentiel. Tout comme en fait maintenant le théâtre, le cinéma, c'est devenu un référentiel. Mais c'est pareil avec les escapes. Et donc les gens se disent OK, ça rentre dans cette catégorie. Donc oui, il y a quand même vraiment ce travail-là à faire à chaque fois.
Pourquoi l'immersif aujourd'hui ? Les attentes émotionnelles des visiteurs
De l'économie de l'expérience à la transformation economy
Pauline Ça permet de faire un beau lien avec la prochaine question qui s'adresse à Frances, mais vous pouvez y répondre toutes les deux. Tu sais, quand on préparait l'épisode, tu nous citais la statistique hyper intéressante des 58% des participants de Secret Cinema viennent avant tout pour entrer dans un univers et du coup, on faisait le parallèle. Alors on va parler post-Covid. Mais l'idée aussi que pourquoi les gens ont ce besoin viscéral de changer d'air, de se sentir vibrer comme on vient de le dire ? Qu'est-ce qui, selon vous, qu'est-ce qu'on peut dire sur ces attentes émotionnelles et profondes de ces visiteurs aujourd'hui ?
Frances Déjà dans le rapport qui était publié par Gensler et l'Immersive Institute, ils ont dit que actuellement, vraiment la tendance, entre guillemets, pour le dire comme ça, c'est que les gens cherchent à avoir des connexions, des connexions, d'être touchés émotionnellement et que ça ait du sens. Maintenant, on n'est plus dans déjà l'experience economy comme a été dit par Joseph Pine.
Pauline Un petit nota bene sur Joseph Pine, que mentionne Frances, qui est un économiste américain de renom et qui a théorisé la notion d'économie de l'expérience en 1998. Comme elle le dit, cette économie d'expérience est la suite d'une économie antérieure qui était, elle, fondée très concrètement sur le produit et le service et non sur ce que ces derniers nous faisaient vivre réellement en tant que consommateurs. Mais désormais, nous faisons face à une transformation economy.
Le boom de l'expérientiel et du marketing immersif
Frances Là, on va au-delà des expériences. Déjà, on va au-delà de juste acheter des choses et maintenant on est vraiment dans l'expérientiel. Ça, toutes les tendances sont là, tous les chiffres sont là, les budgets. On sait que maintenant les gens cherchent des expériences. C'est pour ça qu'on a ce gros boom dans l'immersif ainsi que le experiential marketing, le marketing expérientiel. Après, maintenant on cherche, grâce, on va dire, grâce à Covid, le fait qu'on était privé d'avoir une connexion et de vivre tout court. Les gens cherchent maintenant à tout prix d'avoir une connexion avec les autres. Et encore, on va toujours penser aux trois types de personnes. Évidemment, il y a des gens qui peut-être un peu moins, mais juste être sur place, déjà, c'est énorme pour eux parce qu'il y a d'autres personnes, on peut vivre un truc ensemble, on peut vivre des émotions encore. On était tellement privés. Les émotions qu'on avait quand on était confinés n'étaient pas les mêmes qu'on est en train de vivre maintenant. Et tout le monde cherche à avoir plus de sens, surtout dans un monde où rien n'est garanti.
L'exemple de Secret Cinema : Vivre l'univers plutôt que le regarder
Là, on sait qu'actuellement, un peu partout, c'est un peu difficile de façon socio-économique et politique, mais du coup, on cherche, on fait le choix d'aller faire une expérience, vivre pour vivre quelque chose. Dans le cadre de Secret Cinema, bon, je vais vivre Grease. Je veux aussi rentrer dans un univers que cette chanson que je la chante tout le temps. Mais maintenant je veux la chanter avec 4000 personnes autour de moi ou Dirty Dancing. Oui, je veux qu'on y va et soulève Baby. Je veux être là, bien sûr. Parce qu'il veut déjà. Ça ne suffit plus de « No one puts Baby in the corner ». Ça suffit plus de juste le voir. Maintenant, on veut faire partie des choses et on veut avoir ce sens qu'on est important, that we matter.
L'économie de l'attention et la crise de la concentration
Charlotte-Amélie Oui, et je pense que ça vient aussi de plus, c'est renforcé par plusieurs choses, c'est que on est dans une économie de l'attention, c'est-à-dire que notre attention est de plus en plus monétisée, elle vaut de plus en plus cher. Donc il y a une compétition là-dessus. Donc très concrètement, ça nous impacte nous en tant que citoyens puisqu'en fait on est de plus en plus bombardés de publicités, elle est invasive, on est sur les réseaux sociaux et en fait, et si on devient accro aux réseaux sociaux, ce n'est pas par hasard, c'est parce que c'est designé pour nous rendre accro puisque les modèles économiques reposent sur le fait qu'il faut qu'on passe de plus en plus de temps là-dessus. Donc je pense qu'on ressent toutes et tous le fait de se dire mais j'ai passé 35 minutes sur Instagram ou sur TikTok, ou sur Facebook ou sur ce que vous voulez, est-ce que ce n'est pas 35 minutes que j'ai complètement perdu de ma vie ? Quoi ? Et avec des contenus qui sont aussi de plus en plus catchy. Enfin, ça repose sur de la dopamine qui est relâchée en permanence. Mais sauf que ça, c'est un cercle vicieux puisqu'en fait ça va aussi fatiguer mon cerveau, ça va fatiguer mon attention parce que justement j'ai ces shoots de dopamine en permanence, mais sur du micro-contenu. Et donc mon attention, elle est tout le temps en train de partir à droite, à gauche, dans tous les sens.
Qu'est-ce qu'être en immersion ?
Et quand on est en immersion, parce que c'est vrai qu'en fait, depuis le début, on n'a pas défini ce qu'était être en immersion. Être en immersion, c'est vivre l'instant présent de manière intense et profonde. C'est vraiment avoir ce sentiment de présence. Et donc le sentiment d'immersion, il existe depuis toujours. Quand vous lisez un très bon livre et que vous êtes à fond dedans, et qu'on vous appelle, et que vous mettez du temps à lever le nez et à réagir et à répondre, c'est que vous êtes en immersion, justement. Ça, on le perd de plus en plus de manière empirique. Moi, je vois plein de gens autour de moi qui disent avoir de plus en plus de mal à se concentrer. Ce n'est pas un hasard. En fait, c'est parce qu'on est dans cette crise de l'attention, cette économie de l'attention au global et en fait justement d'être en immersion, ça va être d'être dans des expériences dans lesquelles tout a été designé pour que je sois dans cet état de présence et que je vive ce moment-là de manière intense.
L'immersif comme antidote au multitasking
Et donc moi, mon intuition qui est vraiment sortie du chapeau, étude zéro, étude scientifique derrière zéro, hein, voilà. Mais mon analyse, c'est que justement les expériences immersives plaisent aussi beaucoup aujourd'hui parce que justement, on n'est pas en train de faire du multitasking, on n'est pas en train de penser à sa liste de courses, envoyer des textos à scroller sur Instagram et à envoyer des mails et à faire je ne sais quoi. On est en train de vivre la battle, tu vois, Capulet, Montaigu, on est en train de soutenir Roméo et de dire vas-y, fais ta déclaration, c'est maintenant, tu vois ? J'ai envie de dire, c'est un peu aussi, malheureusement que ça va avoir un attrait encore plus fort. Parce que justement, comme aujourd'hui, on a de plus en plus de mal à se concentrer, j'ai peur que les contenus classiques type film, théâtre ou quoi. Bah en fait, enfin moi j'ai déjà entendu des gens dire bah pour moi c'est trop long, j'arrive pas à rester concentré autant de temps et en fait une expérience immersive justement, elle va faire en sorte qu'on ait plus cette tentation, on ait beaucoup moins cette tentation de se dire ah tiens, est-ce que j'irais pas scroller sur Instagram ? Alors quand bien même que ça va servir à rien, mais en fait c'est devenu une addiction.
Le réel comme refuge face à l'IA et aux deepfakes
Et donc de se dire bah voilà, je vais créer ce moment-là où t'auras même oublié que ça existe. Et de toute manière t'as pas besoin d'avoir ton téléphone, donc comme ça c'est vite vu. En plus de ça, moi j'ai la sensation que pour compléter avec ce que disait Frances sur toute la partie, recréer du sens, recréer de la connexion, que dans une ère où il y a des tonnes de contenu en IA qui sont créés et qu'on a des tonnes de deepfakes, etc. Recréer du réel, recréer du physique, retrouver des moments où on sait que ce n'est pas du fake, ça aussi ça nous fait du bien, ça nous fait cette espèce de soupape et que c'est une espèce de besoin qui va être aussi de plus en plus présent.
Frances On veut vivre quelque chose, des émotions, des expériences, des activités qui nous sortent du cadre ordinaire et qui rendent notre vie un peu plus extraordinaire.
Conseils aux professionnels : Comment créer des expériences immersives réussies
Tester, expérimenter, comprendre
Pauline Pour terminer cet épisode, on avait une dernière question à vous poser. Parce que ces professionnels-là, et donc sûrement aux membres ou futurs membres de JeDI qui voudraient créer des expériences plus immersives demain, quels seraient les conseils que vous pourriez leur donner justement pour atteindre cet objectif ?
Charlotte-Amélie Je leur dirais de tester plein de choses, plein de formats différents. Parce que, en fait, comme c'est écrit dans le nom, une expérience immersive, c'est une expérience. Et donc il n'y a rien de tel que de voir, d'expérimenter par soi-même pour comprendre aussi et se dire OK, ça c'est intéressant, ça, ça j'aime bien parce que et de bien être très clair de pourquoi est-ce que j'aime bien et de faire la différence entre ce qu'on aime personnellement. Ça c'est comme pour tout programmateur, créateur etc, c'est de se dire qu'est-ce que moi j'aime bien, mais qu'est-ce qui est intéressant en termes de méthodes, en termes d'outils, quel est mon objectif ? Est-ce que c'est justement de faire de la pédagogie ? Est-ce que c'est de sensibiliser ? Est-ce que c'est d'être un moment de bien-être ? Est-ce que c'est de faire de l'émerveillement ou quoi ou qu'est-ce ? Et en fait de tester pour voir toutes les formes que ça peut prendre.
Ne pas être prisonnier d'un outil ou d'un format
Et du coup, troisième conseil, j'en donne trois. Allez hop, je pense les trois vont ensemble, c'est de ne pas être focus sur une forme et un outil. Si vous voulez, si vous sentez qu'il y a ou si vous avez une intuition qu'il y a quelque chose d'immersif à faire, de ne pas se dire ah oui, on va faire de la réalité augmentée ou Ah oui, on va faire de la VR ou Ah oui, on va faire du théâtre immersif. Soit vous avez déjà les bonnes raisons pour le faire, soit en fait, vous avez avant tout des objectifs et une intention et d'être un peu agnostique sur la forme que l'expérience peut prendre.
Très souvent, en fait, on se dit ah oui, je veux faire un truc immersif. Et donc en fait. Mais en fait, de toujours aussi se questionner qu'est-ce que je mets derrière ? Parce qu'en fait, potentiellement, la personne, ce qu'elle a en tête, c'est des décors waouh ! Et en fait ça peut être plein d'autres choses. Et donc de se dire OK, enfin ça on l'entend beaucoup typiquement dans les événements immersifs, quand on va dire oui, on veut, je veux que ce soit immersif, on va penser décor grandeur nature, on va penser des jeux de lumières, du son du machin, mais pas du tout aux interactions. Et donc au final, oui, on a marqué immersif, mais en termes d'expérience, bah il manque un petit quelque chose quoi. Parce qu'il y a les décors, mais il n'y a pas l'histoire derrière les décors, il n'y a pas les interactions derrière les décors. Voilà donc de vraiment faire ce de remonter, de questionner la question quoi.
Mettre le participant au cœur de la création
Frances Pour moi, ça va être plus simple. Merci. Il faut le répéter à chaque fois, de transformer les visiteurs en participants. Participants du début. De vraiment penser à eux. En fait, on est en train de créer pour d'autres êtres humains, et pas que pour nous.
Charlotte-Amélie Pas que pour nos objectifs.
Frances Pas pour nos objectifs. En fait, on va avoir d'autres êtres humains rentrer et vivre ce qu'on est en train de créer. Les autres personnes, les participants sont le meilleur allié de toute expérience. De quoi faire, de quoi ne pas faire vraiment. Il y a tellement de choses qu'on peut apprendre, mais encore c'est eux au cœur de tout. Donc pour moi, c'est commencer toujours avec le participant au cœur de tout leur laisser co-créer l'expérience, parce que c'est eux qui vont ajouter justement cet aspect extraordinaire dans tout ce que nous sommes en train de créer.
Conclusion : L'humain au cœur de l'expérience immersive
Pauline Et bien merci beaucoup, Mesdames, pour cet épisode et pour tout cet échange. C'était largement passionnant et on a largement dépassé les 30 minutes, mais c'est avec grand plaisir qu'on l'a fait. Alors on va conclure en disant ces quelques mots. On a commencé cet épisode avec cette sensation que l'on connaît tous et toutes, celle d'entrer dans un lieu qui ne se contente pas de nous accueillir, mais qui nous fait vivre quelque chose pleinement. L'immersion n'est pas qu'une question de décor, de technologie ou d'effet waouh ! Comme on l'a dit, c'est avant tout de faire vivre et de vivre le moment présent, profondément et intensément. Et c'est aussi et surtout une question d'intention, de lien, de récit et peut-être surtout de confiance. Confiance dans le visiteur, dans sa capacité à ressentir, à s'engager et pourquoi pas à co-écrire.
Grâce à JeDI, le théâtre immersif, l'art numérique, le loisir et plein d'autres corps de métiers et de secteurs apprennent à se parler, à créer ensemble et à imaginer des expériences qui laissent une trace. Ce qui ressort, c'est que l'immersif est réussi quand il place l'humain au centre, quand il fait ressentir, participer et vivre une émotion qu'on n'aurait pas vécue ailleurs. Alors merci beaucoup à toutes les deux. Charlotte-Amélie, Frances, merci pour ce partage inspirant et pour votre engagement à faire évoluer notre secteur vers des expériences plus sensibles, plus humaines et plus vivantes. Merci.
Frances Donc les portes sont grandes ouvertes pour tous les créateurs et tout le monde dans le secteur de loisir pour venir nous rencontrer et faire partie de l'univers JeDI.
Mirabelle Et voilà, cet épisode touche déjà à sa fin. Un grand merci à Charlotte-Amélie et Frances de JeDI pour leur vision et surtout pour toutes les envies d'expériences immersives qu'elles ont fait naître dans nos têtes. Merci également à Tribus Echos Production pour l'ambiance sonore qui fait vivre Visiteurs 360. Le podcast revient un mardi sur deux sur la plateforme de votre choix. Si cet épisode vous a plu, laissez quelques étoiles, un commentaire ou partagez-le autour de vous. Et pour suivre les tendances et les coulisses du secteur, abonnez-vous à notre newsletter Entre les Li(g)nes. On se retrouve très vite pour continuer à explorer l'univers des émotions vécues par nos visiteurs. Et restez encore quelques secondes ! Charlotte-Amélie vous explique tout ce qu'il faut savoir sur JeDI.
En savoir plus sur JeDI et les Journées de l'Immersif
Charlotte-Amélie Nous avec JeDI, effectivement, on accompagne notre filière de plusieurs manières. On a des podcasts, on a des newsletters, on a des apéros qui permettent de faciliter ces rencontres parce qu'on sait que là, encore une fois, on s'applique à nous-mêmes, on fait confiance à nos participants et voilà, on sait que c'est hyper important que les gens se rencontrent, discutent entre eux et que c'est comme ça que plein de belles choses vont pouvoir naître.
Les Journées de l'Immersif 2026
Et après, on a vraiment notre grand temps fort qui sont les Journées de l'Immersif. Prochaine édition des Journées de l'Immersif : 13 et 14 avril 2026 au Louvre-Lens Vallée. Donc à Lens, à moins d'une heure et demie de Paris. Et en fait, dans ces journées-là, il y a des temps d'inspiration. Donc nous, notre enjeu, c'est vraiment comment est-ce qu'on peut être autant inspirant pour quelqu'un qui est dans l'immersif depuis 15 ans que pour quelqu'un qui vient de faire une sorte de reconversion et dans le milieu depuis 6 mois, et peu importe encore une fois, le bagage en arrière.
Il y a beaucoup d'ateliers. Donc là c'est vraiment très pratico-pratique partage, retour d'expérience, paroles d'experts, etc. d'apprendre, d'apprendre des meilleurs ou d'apprendre des expériences qui viennent de se tester. Puisque personne n'a la clé, personne ne sait à quoi ressemblera la filière de l'immersif dans 5 ans. Tout le monde a besoin d'apprendre.
Il y a du speed-meeting. Nous, l'enjeu c'est vraiment faire en sorte que, en sortant des Journées de l'Immersif, vous ayez pu rencontrer 70% des autres personnes qui étaient présentes. De faciliter encore une fois ces échanges, pas du tout cette hiérarchie. Enfin, c'est hyper bon enfant, hyper accueillant, très très très ouvert.
Et enfin, il y a ces ateliers justement qui sont. Donc le premier jour, c'est pour toute la filière : artistes, auteurs, producteurs, créateurs, diffuseurs, exploitants, lieux, prestataires, enfin tout le monde. Et le deuxième jour, il est plus pour les créateurs et les créatifs. Et là, c'est justement partager des outils et des méthodes vraiment créatives de design, d'écriture. Et c'est dans ce cadre-là, si je ne dis pas de bêtises, que le projet, enfin l'idée du concept de Roméo et Juliette a pu émerger puisqu'il y a ces temps de se dire en fait, à blanc, j'ai un brief fictif, mais c'est là où je vais pouvoir m'éclater et tester des outils et entraîner tout simplement ma créativité, puisque c'est un muscle.

